mes. Il s’agit pour eux, partant des vérités certaines que seule apporte la science, de rechercher en quoi ces vérités ont pu modifier les idées morales traditionnelles et les définitions anciennes du droit et du devoir dans l’humanité[1] ». Le « Collège libre des sciences sociales », soutenu par des appuis officiels, professe cette même doctrine dans ses conférences de morale ; et l’expression en a été rarement plus franche et plus énergique que dans celle que M. Moch y a faite sur l’Ère sans violence[2]. Ainsi la voie est frayée plus facile à toutes les utopies. N’était-ce pas déjà Auguste Comte qui avait assigné à l’utopie, dans la sociologie, le même rôle qu’à l’hypothèse dans les sciences naturelles ? Or, en physique, l’hypothèse est parfaitement permise — sur l’émission par exemple ou l’ondulation de la lumière ; pourquoi donc l’utopie sociale et son expérimentation seraient-elles davantage réprouvées ? « Qu’est-ce qui empêche, écrit le socialiste Fournière, que l’idéalisme ne devienne l’agent conscient de l’évolution ? » Et pour Fournière, ennemi de la propriété — simple « création sociale » — c’est le communisme qui est au terme de l’utopie, avec l’amour libre et l’union non moins libre[3].
Nous devions un instant d’attention à toutes ces théories aussi dangereuses que nouvelles[4]. S’il est vrai, en effet, que l’économie politique étudie, selon la définition de Stuart Mill, la manière dont la recherche de l’intérêt personnel guide l’homme dans la production et le mouvement des richesses « en tant du moins que les phénomènes de cet ordre ne sont pas modifiés par la poursuite d’un autre
- ↑ Léon Bourgeois, Solidarité, 1896, p. 78.
- ↑ Publiée dans le recueil Questions de morale de MM. Belot, Bernès, Buisson, etc., 1900 (voyez op. cit., pp. 31 et s.).
- ↑ Fournière, l’Idéalisme social, 1898. — Voyez le chapitre « l’idéalisme, forme pensée de l’évolution » ; voyez aussi la IIIe partie du volume. — M. Fournière a été chargé de professer officiellement l’économie sociale à l’École polytechnique.
- ↑ Voyez dans notre article le Darwinisme et la sociologie évolutionniste (Revue catholique des Institutions et du Droit, août 1897) la « Morale de l’évolutionnisme », loc. cit., pp. 108 et s.