Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/569

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nomie politique étant une science morale, ne serait-ce point le premier sens et non pas le second ? Eh bien non : et le terme « loi » y est pris pour signifier un rapport de cause à effet, comme il en serait dans une science physique ou naturelle[1].

C’est donc ici qu’on se heurte au second argument cité plus haut, je veux dire l’argument tiré du libre arbitre, par opposition au déterminisme qui résulterait, dit-on, de la tendance nécessaire et constante que nous aurions à rechercher notre intérêt économique selon la loi du moindre effort.

On nous concède bien que la nature extérieure limite le pouvoir et l’action de l’homme et que cette limite est calculable. On nous concède même encore que les actes économiques entraînent après eux certaines conséquences naturelles et que, par exemple, la prodigalité d’un homme oisif entraînera la dispersion de ses biens (ce qui, d’ailleurs, n’est pas une loi économique et constitue tout simplement un vulgaire truisme). Mais là, comme on nous dit à juste titre, n’est pas la question, puisque celle-ci est de savoir si là liberté existe ou n’existe pas contre la poussée de l’intérêt économique.

Nous répondons par la loi constamment observée de l’abondance qui abaisse les prix et de la disette qui les hausse.

Prenez garde ! nous va-t-on répliquer. L’abondance ou la disette a bien agi pour modifier la valeur (la valeur est considérée ici comme objective) : mais il reste encore à connaître l’effet de ce jugement sur votre volonté. Or, bien que ce jugement vous inspire ordinairement la volonté, soit d’acheter même cher, soit de vendre même bon marché, le phénomène ne se produit pas avec une régularité qui rappelle le moins du monde celle des lois physiques et naturelles. Donc, ajoute-t-on, les économistes ont tort de

  1. Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e édition, pp. 5 et 6.