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CHAPITRE III

LE SOCIALISME D’ÉTAT

Philosophiquement, le socialisme d’État est né de la récente altération de l’idée de l’État.

Qu’est-ce que l’État ? Quelle est sa mission ?

Interrogez la pensée ancienne : partout elle vous répond que la mission de l’État est de défendre la nationalité, d’en grandir l’influence s’il est possible, et de faire régner l’ordre et la justice à l’intérieur de la société. Ce dernier caractère est celui qui-avait le-plus frappé les moralistes, tandis que le maintien et le progrès de l’unité nationale préoccupaient davantage les politiques et les historiens. Du reste, sous l’un et l’autre aspects, l’État travaillait au bien commun, et le prince pouvait se faire une haute idée de la mission que la Providence lui donnait[1].

Mais on a élargi progressivement ce cadre, au point de le faire éclater, et le socialisme d’État est né de cette extension.

Le premier penseur qui en ait exprimé le principe n’est autre que Montesquieu, disant que « l’État doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la nourriture, un vêtement convenable et un genre de vie qui ne soit point contraire à la santé[2] ». Il est vrai que Montesquieu est allé au-delà aussi et qu’il a posé plus d’un jalon pour tracer la route à un socialisme plus absolu. Nous aurons à y revenir.

  1. Sur l’idée de l’État dans la théologie et la philosophie anciennes, nous nous en référons au R. P. Caudron, S. J., De la fin de l’État ou des sociétés civiles, 1894. — Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e éd., pp. 78 et s.
  2. Esprit des lois, 1. XXIII, ch. xxix.