Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/595

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vidu qui existe pour lui-même[1] ». L’Américain Giddings s’en tire en Normand. « Si la société est un organisme, dit-il, on doit le considérer « comme physiopsychique, comme essentiellement psychique, mais avec une base physique[2]. »

La prétendue école organique n’abandonne aucunement la partie. D’après un de ses adeptes les plus fervents, M. Novicow[3], cette école aurait jeté un vif éclat il y a une quinzaine d’années, à tel point que sa victoire ne semblait plus faire l’objet d’aucun doute dans le monde des sociologues. Son astre aurait pâli depuis lors[4]. Cependant on ne désespère pas de lui rendre toute sa splendeur, en achevant de dérouter où de convaincre rôle ethnographique.

Il est hors de doute que les plus grands efforts sont faits actuellement pour ranimer la croyance à l’organisme social. Comparer, identifier même là biologie et la sociologie, développer les théories qu’on appelle, en un néologisme pédant, les théories « analogico-organiques », voilà bien le souci qui domine parmi les écrivains nombreux et bruyants de toute la jeune école sociologique. « Non seulement, comme le dit M. Espinas, les sociétés sont réelles comme ensembles de phénomènes réguliers ; mais elles sont réelles encore comme consciences existant en elles-mêmes et pour elles-mêmes[5]. » Ce dernier, suivi en cela par Gid-

  1. Alfred Fouillée, Science sociale contemporaine, pp. 110 et 227.
  2. Giddings, Principes de sociologie, trad. franç., 1897, p. 358. — Contre la théorie organique, voyez aussi M. Hauser, l’Enseignement des sciences sociales, 1903.
  3. Novicow (professeur à l’Université d’Odessa), Conscience et volonté sociales, 1897, p. 1.
  4. Parlant des efforts de M. René Worms pour rajeunir la thèse de l’organisme social, M. Tarde (Études de psychologie sociale, p. 120) le félicite ironiquement « d’avoir, voulu rendre à la sociologie ce service entre bien d’autres, de pousser à bout cette vieille métaphore qui date des Grecs, à tel point que la science sociale en soit débarrassée définitivement… Ce n’est, ajoute-t-il, que la dernière flammèche d’une lampe qui s’éteint. »
  5. Espinas, les Sociétés animales, p. 540. — Voyez dans Henri Michel (l’Idée de l’Etat) les justes critiques dirigées contre M. Espinas (Op. cit.,