Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/618

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chrétientés naissantes ? Il y a là un illogisme auquel je serais heureux de les voir répondre.

Il est moins difficile de voir du socialisme dans les hérésies des premiers siècles, telles que celle des gnostiques et des carpocratiens. Chez eux, cependant, il y avait bien autant de licence et de débauches que de doctrines proprement dites[1].

En tout cas, ce qu’il y a de plus instructif à retenir, c’est que par eux l’Église catholique, dès ses origines, a trouvé le communisme en face d’elle et que l’énergie avec laquelle elle a pris, dès lors, la défense de la propriété non moins que la défense du mariage, nous fournit un précédent historique d’une très grande autorité. Il faut en dire autant de la lutte de saint Augustin contre l’hérésiarque Pelage, qui avait ajouté à ses erreurs purement religieuses une condamnation des richesses et de la propriété[2]. Ainsi, « de génération en génération, pendant toute la durée des cinq premiers siècles, le christianisme s’est trouvé en présence des doctrines communistes. La philosophie, les traditions orientales et l’Évangile étaient invoqués tour à tour pour arriver à la réalisation de l’idéal rêvé par les humanitaires de notre siècle. Que fit l’Église ? Par ses pontifes, par ses docteurs, par ses conciles, elle déclara au communisme la guerre la plus active et la plus persévérante[3]. » Ce que l’on peut trouver chez les Pères de l’Église et notamment dans saint Jérôme, ce n’est pas la condamnation de la propriété : ce sont seulement des morceaux oratoires — d’âpres déclamations parfois — contre l’usage égoïste des richesses.

Il semble que les Albigeois de la fin du XIIe siècle et du commencement du XIIIe siècle se soient bornés à des abus et à des violences de fait, sans mêler à leurs erreurs théolo-

  1. Voir sur ces sujets Thonissen, op. cit., ch. iv.
  2. S. Augustin, Lettre CLVII, à Hilaire, §§ 23-39 (Édit. Vivès, 1870, t. V, pp. 401 et s.).
  3. Thonissen, op. cit., t. I, p. 146.