Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/62

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Inwyt[1] fait rentrer très nettement tous les cas de spéculation dans l’usure, dont ils forment une cinquième espèce. Celle-ci, y est-il dit, consiste, soit à vendre une chose plus qu’elle ne vaut en ce temps là, soit (ce qui est pire) à la vendre quand elle est beaucoup demandée et qu’elle atteint des prix doubles ou triples de sa valeur : ainsi il y a des gens qui achètent du blé au temps de la moisson ou bien quand il est très bon marché, avec l’intention de le revendre quand il sera cher et avec le désir de voir arriver la cherté[2].

Cependant le traité De regimine principum, dont les deux premiers livres sont attribués à saint Thomas et adressés au roi de Chypre, contient de judicieuses remarques sur l’utilité du commerce, qui permet à un pays de se procurer les denrées qu’il n’a pas lui-même[3].

Partagé comme on était sur l’utilité productive du commerce, on ne devait pas en voir la liberté avec une grande faveur. Les entraves y étaient donc nombreuses ; et avec les progrès toujours croissants de l’absolutisme royal, on s’acheminait vers le système annonaire, c’est-à-dire vers la conception de l’État chargé d’assurer l’alimentation publique, en constituant des réserves de grains, en interdisant la sortie des céréales et en prohibant, sous le nom même d’accaparement, jusqu’aux réserves de blé que les particuliers se seraient faites dans leurs greniers. L’Italie entra la première dans la voie de ce système annonaire, et il devait régner en France depuis le milieu du XVIe siècle jusqu’aux formidables assauts que les physiocrates lui livrèrent et même jusqu’à la fin de la Révolution.

La sévérité que l’on montrait à l’égard du commerce eut parfois son contrecoup à l’égard des professions libérales.

  1. L’Ayenbite of ImwytAiguillon de conscience — est un manuel de morale à l’usage des confesseurs, qui fut composé en France au XIIIe siècle et qui fut traduit en anglais en 1340 par un moine du comté de Kent, nommé Dan Michel.
  2. Ashley, op. cit., 3e édition (anglaise), t.1, p. 162.
  3. Op. cit., 1. II, ch. III.