Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/628

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temps que la sienne propre. Au sommet est un « grand métaphysicien », qui fait penser d’avance au Pape industriel de Saint-Simon et qui peut bien en avoir fourni le prototype[1]. La famille n’existe pas là-bas, non plus que la propriété. Les magistrats décident des accouplements passagers, dont la description donne libre champ au cynisme de l’ex-moine. Quant au mobile qui doit stimuler encore l’activité industrielle, Campanella ne parle que du sentiment du devoir et de l’amour de la patrie, mais sans insister davantage sur la difficulté.

« La Cité du Soleil est l’expression la plus complète, la plus radicale et la plus logique du système communiste. L’auteur, qui avait perdu de vue le monde réel[2], était mieux placé que personne pour expliquer la promiscuité des sexes, la communauté des biens et le despotisme inquisitorial. La cité des Solariens est un grand cloître où tous vivent d’après une règle sévère ; le gouvernement est une hiérarchie religieuse ; la tempérance et là pauvreté sont les vœux que tout le monde fait. Mais la pauvreté de l’individu doit avoir pour résultat la richesse de la collectivité, et c’est ainsi que Campanella a été le promoteur de toutes ces idées radicales qui ont été défendues de nos jours par Fourier, Bebel et d’autres. Seulement aucun ne l’a surpassé en audace[3]. »

Les romans utopiques ne manquèrent pas dans le XVIIe siècle. Nous n’en citons plus que deux, la Reipublicœ christianopolitanœ descriptio (1619), de Jean Valentin Andrea, pasteur protestant de Souabe, et la fameuse Histoire des Sévarambes (1677), qui est attribuée avec assez de vraisemblance à Vairasse d’Alaiset qui servit de modèle à toute une littérature de haute fantaisie[4]. Tous ces

  1. Reybaud, Études sur les réformateurs ou socialistes modernes, t. I, ch. ii.
  2. Il était en prison depuis onze ans, quand il l’écrivit en 1611.
  3. Kirchenheim, op. cit., pp. 98-99.
  4. Sur ces auteurs et tous ceux du XVIIIe siècle, étudier l’excellent ouvrage de M. André Lichtenberger, le Socialisme au XVIIIe siècle, 1895, complété par le Socialisme utopique du même auteur, 1898.