Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/650

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Michel-Ange — qui écrivit plus tard l’histoire de la conjuration[1] et ne fut jamais désabusé ; Antonelle, qui avait un moment polémiqué contre Babeuf, pour soutenir les Lois de Platon contre sa République ; et Silvain Maréchal, l’auteur du Dictionnaire des athées. Malgré la constitution de l’an III, qui avait dissous et interdit les clubs, les Égaux fondèrent la « Société du Panthéon ». Quand le général Bonaparte eut fait mettre les scellés sur la salle où se tenaient les réunions, les Égaux formèrent une conjuration pour renverser le gouvernement et implanter le communisme. Ils comptaient sur 17.000 hommes habitués, aux armes, mais ils furent dénoncés avant d’avoir agi, et arrêtes au commencement de 1797. La Haute-Cour siégeant à Vendôme condamna Babeuf et Darthé à mort, cinq autres conjurés à la déportation.

Silvain Maréchal avait rédigé un « Manifeste des Égaux », dont une partie était empruntée de Rousseau et dont une autre, distinguant la révolution politique, que 1789 et 1792 avaient faite, d’avec là révolution économique, qui restait à faire, se retrouve de nos jours, aux termes près, sur les lèvres des socialistes contemporains de toutes les nuances[2]. Ce manifeste renferme, contre la propriété individuelle, tous les arguments de Platon, de Morus, de Morelly et de Mably, avec un programme d’organisation qui se rapproche surtout de l’Utopie.

La France avait échappé à un réel danger. Mais il est permis de voir quelque chose de providentiel dans les inconséquences des Conventionnels, qui, s’inspirant partout ailleurs de Rousseau, s’en écartèrent cependant, sauf les babouvistes, sur la question de la propriété.

  1. Conspiration pour l’égalité, dite de Babeuf, 1820.
  2. « La Révolution française, disait Silvain Maréchal, n’est que l’avant-courrière d’une autre révolution bien plus grande, bien plus solennelle, et qui sera la dernière… Nous tendons au bien commun ou à la communauté des biens. Plus de propriété individuelle des terres : la terre n’est à personne. Nous voulons, nous réclamons la jouissance communale des fruits de la terre : les fruits sont à tout le monde. »