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culières. Bien loin donc d’admettre que l’on doive se proposer de réduire toujours de plus en plus l’action directrice dans le sein des sociétés, nous pensons, disaient-ils, qu’elle doit s’étendre à tout et qu’elle doit être toujours présente : car pour nous toute société véritable est une hiérarchie[1]. »

Enfin, au sommet de cette hiérarchie, ils plaçaient le « hiérarque » ou pape industriel.

En religion et en morale, le saint-simonisme était une sorte d’épicurisme sentimental, dans lequel les appétits sensuels étaient mis sur la même ligne que les aspirations les plus pures de l’esprit. C’était la théorie de la « réhabilitation de la chair » ; et un des griefs des saint-simoniens contre le christianisme, dont ils ne niaient pas cependant d’heureux résultats au point de vue social, était précisément que le christianisme avait déprimé la matière en exaltant l’esprit, par son éloge de la virginité, de la pauvreté volontaire et par sa doctrine de la mortification des sens. Ailleurs le saint-simonisme prétendait au moins à compléter le christianisme. Ce dernier avait émancipé d’homme : mais c’était au saint-simonisme qu’il avait été réservé d’émanciper et de réhabiliter la femme, de produire vraiment la « femme libre » et d’établir entre l’un et l’autre sexes une égalité qu’il ne suffisait plus de faire régner séparément entre les individus de chacun des deux. Ainsi le féminisme, que nous retrouverons parmi les formules familières au socialisme, s’il ne remonte pas jusqu’à Saint-Simon lui-même (qui n’a jamais abordé ce sujet), remonte sans conteste à ses premiers disciples[2].

Le 31 décembre 1829, l’Église saint-simonienne fut fondée, avec Bazard et Enfantin pour chefs. En province, des Églises détachées se créèrent à Toulouse, Montpellier, Dijon, Lyon et Metz. Enfantin leur écrivait des épîtres mo-

  1. Exposition de la doctrine saint-simonienne, p. 428.
  2. Voyez Reybaud, op. cit., pp. 115 et 126.