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scinder, émigrer, puis s’éteindre, sur quelques points de la vaste Amérique[1].

Des essais analogues furent tentés plus récemment en Australie et en Nouvelle-Zélande, avec les village-settlements, et là encore on eut de lamentables échecs, qui répétèrent l’histoire de toutes les Icaries[2].

Le roman utopique avait-il disparu avec Cabet ? Pas même encore : et le merveilleux succès de Looking backward, de Bellamy, paru en 1887, montre à cet égard l’incorrigibilité radicale de la nature humaine[3]. Ici d’ailleurs ce n’est qu’affaire d’imagination et de curiosité. On ne se défend pas sans peine de la tentation d’exposer un système social sous le vêtement enchanteur de la fiction :

  1. Le groupe de Nauvoo émigra lui-même dans l’Iowa en 1857, à la suite d’une discussion révolutionnaire qui tint toute la nuit du 12 au 13 mai 1856 : alors on créa la colonie de Cheltenham. Vint une suite de fractionnements, de péripéties et de vicissitudes de tout ordre. Les socialistes (Bonnaud, op. cit., p. 193) avouent en 1900 ne plus en avoir eu de nouvelles depuis février 1888. Le Handbuch des Socialismus (1897) cite finalement la Icaria-Speranza-Community, en Californie, avec 52 membres (V° Fourier) : mais Icaria-Speranza avait disparu dès 1857. La dernière colonie icarienne fut New-Icaria, qui fut liquidée par sentence judiciaire du 22 octobre 1898. — Sur les colonies socialistes aux États-Unis, étudier : John-Humphrey Noyes, History of American socialismus, Philadelphie, 1870, ouvrage très documenté et très complet (Noyes avait été chef de la communauté d’Oneida, caractérisée par la pratique du mariage collectif ou complex, mariage entre tous les membres de la communauté, mais avec des mesures contre l’accroissement exagéré de la population [voyez la Viriculture de Molinari, et Menger, État socialiste, tr. fr., p. 179]) ; — Kerby, le Socialisme aux États-Unis, Bruxelles, 1897, pp. 2 et 3 ; pp. 79 et s. ; — Prudhommeaux, l’Icarie et son fondateur Etienne Cabet, 1901. — On peut encore lire avec intérêt le naïf récit qu’un des derniers survivants de l’aventure de Nauvoo a publié, Voyage d’un Autunois en Icarie (sans nom d’auteur), Autun, 1898. — Félicien David, l’ex-saint-simonien, avait été de l’expédition icarienne. Il en revint en faisant le tour du monde, ce qui lui fournit l’inspiration de Lalla-Rouhk, en Tasmanie, et celle du Désert, en Égypte.
  2. Voyez Pierre Leroy-Beaulieu, les Nouvelles sociétés anglo-saxonnes (s. d.), 1901, pp. 152 et s. ; — Albert Métin, le Socialisme sans doctrines, 1901, p. 201. Cependant M. Métin, socialiste, explique l’insuccès par les habitudes urbaines des nouveaux colons, et il trouve que l’échec, étant données les circonstances, aurait dû être encore plus complet.
  3. La traduction française en a été faite sur le 301e mille de l’original américain, sous ce titre : Coup d’œil rétrospectif jeté en l’an 2000 sur l’an 1887. — Sur Bellamy et son œuvre, voyez Kerby, le Socialisme aux États-Unis, pp. 80 et s., et von Kirchenheim, l’Éternelle utopie, pp. 300 et s. — Bellamy est qualifié, en Amérique, de socialiste nationaliste.