Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/674

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témoin le Télémaque de Fénelon avec sa république de Salente ; témoin encore la description utopique d’Olbie, Olbie ou Essai sur la manière de réformer les mœurs d’une nation, par laquelle J.-B. Say, en 1800, préludait à des œuvres plus sérieuses et moins fantaisistes.

Comme le dit von Kirchenheim, « Owen, Saint-Simon et Fourier servent de transition à la science sociale moderne. On peut encore les considérer comme des utopistes, bien que leurs œuvres ne soient pas enfantées par le rêve. À partir de ce moment là arrivent à leur suite les recherches scientifiques de Louis Blanc et de Marx[1]. » Le socialisme allait donc prendre une autre forme : dès lors, selon l’expression de Benoît Malon, « la pensée sociale dépouille l’idée nouvelle de son éclatante parure sentimentale et idéaliste, et c’est de l’inspiration allemande qu’elle va relever principalement[2]. » Cependant, en plein règne de Louis-Philippe, Louis Blanc et Proudhon, qui déjà ne sont plus des rêveurs comme Fourier ou Cabet, ne sont pas davantage encore de lourds et froids métaphysiciens comme il va en pousser en Allemagne.

Eh tout cas, il n’était pas mauvais que l’impuissance des tentatives de reconstruction eût été bien prouvée avec Enfantin, Fourier, Owen et Cabet, avant le jour où les efforts de destruction allaient être les plus redoutables et les mieux ordonnés. À quoi bon démolir, dirons-nous, puisqu’il a été prouvé qu’on ne pourrait pas rebâtir ?



  1. Kirchenheim, Éternelle utopie, p. 278.
  2. Benoit Malon, Socialisme intégral, t. I, p. 173.