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d’admettre en faveur des prêts à la consommation une tolérance dont les prêts à la production sont exclus.

Alors, si les prêts même non gratuits étaient nécessaires, si la loi civile doit les tolérer et si la loi religieuse, en cas de nécessité, doit les permettre à l’emprunteur comme prêts à la consommation, pourquoi les gouvernements ne prendraient-ils pas l’initiative de créer des banques qui en auraient le monopole légal et qui s’en assureraient sans peine le monopole effectif ? L’idée de banques de ce genre fut émise en France d’abord par Durand de Saint-Pourçain, évêque de Meaux, au commencement du XIVe siècle, puis un peu plus tard par Philippe de Maizières, conseiller du roi Charles V. Un essai de ce genre fut tenté à Nüremberg dans le siècle suivant. Ce ne fut cependant que la charité qui essaya de résoudre ce problème, par la fondation des monts de piété que les Franciscains inaugurèrent en Italie dans la seconde moitié du XVe siècle. Léon X ne tarda pas à relever ces établissements de la règle de la gratuité des prêts, pour leur donner les moyens qui leur manquaient de se procurer des fonds[1].

Quant aux prêts à la production, nous restons convaincu que, bien loin d’avoir obtenu quelque faveur, ils n’ont joui d’aucune tolérance même sous-entendue. Nous ne saurions donc croire, malgré l’opinion de M. Charles Périn, que « l’Église ait toujours déclaré légitime le prêt à intérêt dans les cas… où il n’est autre chose que le revenu correspondant, suivant les règles de l’équité, au prêt utile d’un capital destiné à un emploi productif[2] ». Non seulement, en effet, saint Thomas est absolument muet à cet égard et porte une condamnation générale qui se refuse à admettre

  1. Voir nos Éléments d’économie politique, 2e édition, p. 366. — Étudier Ashley, op. cit., sect. LXXIII, tr. fr., t. II, pp. 529 et s.
  2. Ch. Périn, professeur à l’Université catholique de Louvain, Premiers principes d’économie politique, 1895, p. 305. — Dans le même sens, Claudio Jannet, Capital, spéculation et finance, p. 83 ; — De Metz-Noblat, Lois économiques, 2e éd., p. 293 ; — Claudio Jannet, en note ad hunc locum : « Ce titre extrinsèque, ainsi que l’explique si bien M. de Metz-Noblat, dit-il, se ren-