Cependant M. Walras a bien vu certain point faible de l’argumentation de Gossen. C’est que, dans une société progressive — je veux dire, selon lui, dans une société où le capital s’accroît et où la population augmente — on doit avoir tout à la fois une élévation des fermages et une baisse des taux de capitalisation, double phénomène qui se résoudra en un accroissement de la valeur d’échange des terres plus que proportionnel à l’accroissement des prix de ferme. Le prix des terres montera de 2 % par exemple en capital, quand leurs fermages monteront de 1 % : la terre qui valait originairement 20.000 fr., ira se vendant 20.400 fr., 20.800 fr., 24.000 fr., 40.000 fr., pendant que le fermage de 1.000 fr. montera à 1.010 fr., à 1.020 fr., à 1.100 fr., à 1.500 fr., soit par exemple à la fin la substitution d’un taux de 3,75 % au taux primitif de 5 %. Donc l’État rachètera de plus en plus cher : et les faibles taux de capitalisation de ses rachats suivront tout au plus les faibles taux de capitalisation de ses emprunts. Il ne pourra donc pas amortir et verra les charges de sa dette croître au moins aussi vite que les fermages de ses terres.
De plus, comme nous l’avons déjà dit, les propriétaires et vendeurs quelconques ne tiennent pas seulement compte des revenus actuels d’un fonds, ils tiennent aussi compte de la valeur actuelle des revenus futurs. Bref, « la plus-value de la rente une fois déterminée, il doit en résulter mathématiquement pour, les terres un prix normal tel qu’il ne puisse y avoir avantage à arbitrer des capitaux mobiliers contre des capitaux fonciers. Et s’il en est ainsi, de deux choses l’une : ou l’État paiera les terres au prix normal, de façon à ne faire aucun tort aux propriétaires, et en ce cas il n’amortira pas ; ou bien il paiera les terres un prix inférieur au prix normal, de manière à amortir, et alors il fera tort aux propriétaires[1]. »
- ↑ Ibid., pp. 277-279.