Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/751

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Ce n’est pas tout, ajouterons-nous, et sur un marché libre il serait certain que les terres, beaucoup demandées par l’État et peu offertes par leurs propriétaires, hausseraient de prix, tandis qu’on verrait baisser les titres de rente, peu demandés par les propriétaires et beaucoup offerts par l’État. Des rachats aux taux de 2 % et 3 % des émissions d’emprunts à 5 % et 6 % seraient donc quelque chose d’absolument normal ; tout au moins l’écart, nul ou faible au début, irait-il en s’accroissant à mesure qu’il y aurait plus de terres déjà rachetées et plus d’emprunts déjà émis. Par conséquent, ce ne serait que la force qui ferait conclure ces prétendus marchés de gré à gré, à moins que l’État ne les souscrivît absolument désastreux pour lui.

Mais revenons à la discussion de M. Walras.

Puisqu’il a vu l’égalité définitive des taux de rachat des terres et des taux d’émission des emprunts et par conséquent l’impossibilité pour l’État d’amortir par un excédent des revenus actifs sur les intérêts passifs, comment répond-il à l’objection qu’il s’est faite à lui-même ? Il y répond en soutenant que l’accroissement de la rente n’est pas entièrement fatal et automatique, qu’il dépend pour partie de faits économiques libres et que l’État posera ces faits en faisant concourir toutes ses mesures à l’installation du régime industriel et commercial et au progrès économique qui doit s’ensuivre[1] ». Ainsi l’État aurait racheté les terres, non seulement sans se grever d’une dette perpétuelle ou de durée indéfinie, mais encore en enrichissant la société, puisque « la rente la plus élevée correspond à l’emploi le plus "utile », suivant un « principe que Gossen a établi mathématiquement dans sa théorie de l’équilibre économique[2] ».

Après cela, Walras critique vivement M. Gide, qui pro-

  1. Walras, Théorie mathématique du prix des terres et de leur rachat par l’État, 1880, dans les Études d’économie sociale, 1896, pp. 447-448.
  2. Walras, Études d’économie sociale, p. 271.