Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/76

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ni l’un ni l’autre : il les a simplement maintenues et confirmées[1].

Ce qui achèverait de nous convaincre, s’il en était besoin, ce serait la condamnation portée par Sixte-Quint en 1586, dans sa bulle Detestabilis, contre le trinus contractus ou triple contrat. On sait, en effet, que le commerce essayait de tourner la prohibition du contrat simple de prêt à intérêt, à l’aide de trois contrats connexes, plus ou moins contradictoires entre eux, dont chacun pris en soi-même était tenu pour licite : 1° une société en commandite ; 2° un forfait de bénéfices en % du capital au lieu de l’aléa de l’entreprise ; 3° une promesse ou caution contre la perte éventuelle du capital dans l’entreprise. Or, il est évident de soi que le trinus contractus ne pouvait remplacer que le prêt sérieux à la production[2]. Mais il n’en était pas moins prohibé.

Il est bien vrai cependant que, si la brèche était ouverte dans l’ancienne prohibition ecclésiastique, c’était sous l’influence de l’idée d’une production économique par l’argent ; Plus avancé, par exemple, que Pothier, le fameux théologien Lessius (1554-1623) reconnaît dans l’argent un instrumentum negotiandi dont la privation volontaire justifie une perception d’intérêt etiamsi nullum mercatori lucrum cesset. Peu à peu l’extension du commerce, le développement des affaires industrielles, les grandes entreprises coloniales multipliaient partout les prêts à la pro-

  1. Pour l’explication de la tolérance actuelle de l’Eglise, voyez nos Éléments d’économie politique, 2e édit., pp. 478 et s. — L’étude que Troplong a mise en préface à son Commentaire du prêt reste fort intéressante. — Voir aussi Pages, Dissertation sur le prêt à intérêt, Lyon, 1838. — Ashley, après Funck (Zins und Wucher et Geschichte des Kirchlichen Zinsverbotes) et Endemann, a fait une étude détaillée et consciencieuse de toutes les phases par lesquelles la doctrine du prêt à intérêt a passé du XIVe au XVe siècle (Histoire des doctrines économiques de l’Angleterre, sect. LXV-LXXVI, tr. fr., t. II, pp. 458-560).
  2. Voyez Ashley, op. cit., sect. LXXII, tr. fr., t. II, pp.518 et s., avec l’exposé des luttes entreprises au commencement du XVIe siècle, en faveur du trinus contractus, par Eck, de l’Université d’Ingolstadt, et Major, de l’Université de Paris.