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duction et faisaient surgir des difficultés croissantes pour les consciences des pénitents et les avis pratiques des confesseurs. Benoît XIV, en maintenant énergiquement et par principe les anciennes prohibitions, n’en laissait pas moins ouvertes les excuses du damnum emergens et du lucrum cessans, sans doute aussi celle du periculum sortis ou risque de non-remboursement, sous lesquelles la règle devait s’écrouler[1]. Les partisans de la liberté ne se rendaient pas. Au lendemain même de l’Encyclique, en 1746, le marquis Maffei publiait, avec l’autorisation du maître du Palais apostolique, une seconde édition où, couvrant de fleurs Benoît XIV, il n’en soutenait pas moins la légitimité des intérêts non usuraires[2].

On s’acheminait donc à cette période nouvelle où la question de principe est laissée : de côté et où la perception de l’intérêt est suffisamment justifiée, non plus comme autrefois par la vérification d’un titre extrinsèque, purement accidentel, que l’on pourrait invoquer dans l’espèce, mais bien par la présomption générale et universelle que l’on serait dans le cas de pouvoir en invoquer un.

Nous nous sommes expliqué ailleurs sur le reproche d’ignorance que l’on fait si souvent à l’Église, en blâmant les anciennes prohibitions, et sur celui de contradiction qu’on lui adresse, en constatant qu’elle les a levées pratiquement au XIXe siècle[3]. Ici nous croyons ne pouvoir mieux faire que citer Ashley, auteur aussi compétent que

  1. Le P. Castelein, Droit naturel, p. 353 : « L’ordre économique ayant été peu à peu et progressivement transformé, l’argent a été considéré dans l’estimation commune comme une vraie valeur productive de bénéfice légitime, en vertu de l’extension ou de la généralisation même des titres extrinsèques ou plutôt accidentels. »
  2. Dell’impiego del danaro libri tre, alla Santita di N. S. Benedetto XIV Roma, 1746. — À noter que le P. Castelein « n’oserait affirmer que l’Encyclique Vix pervenit constitue un document infaillible, parce que… l’intention de lier la conscience et la foi de toute l’Église doit se manifester dans le document pontifical à des signes évidents… Toutefois on ne peut supposer que le Pape se soit trompé sur le fond de la question et doctrinale et pratique » (Droit naturel, p. 349 en note).
  3. Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e éd., pp. 477 et s.