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c’est-à-dire le socialisme sociétaire — avaient été d’une part repris et complétés par Lassalle et par Schæffle ; et d’autre part le progrès des études historiques avait en quelque sorte ressuscité le culte du moyen âge, en faisant revivre devant l’esprit les corporations du XIIIe siècle. À celles-ci l’imagination prêta volontiers des proportions que certainement elles n’eurent point et une influence qu’elles n’exercèrent pas non plus à un degré aussi accentué. Pourquoi donc, se dit-on, un régime corporatif copié sur les institutions du XIIIe siècle n’aurait-il pas été le remède au malaise social du XIXe siècle ? Et Carlyle, de l’autre côté du détroit, n’avait-il pas déjà aidé à cette réhabilitation de la vie économique du passé ?

Pour l’Allemagne, nous ayons cité l’adhésion que Mgr de Ketteler avait donnée à la prétendue loi économique du salaire nécessaire[1], sur laquelle Lassalle insistait alors avec tant de force. C’étaient les sociétés coopératives de production qui devaient être l’arme pour combattre cette loi. Le chanoine de Moufang, ami intime de l’évêque de Mayence, appuya le même mouvement. Un des membres les plus influents de ce groupe, l’abbé Hitze, tout en se refusant à conclure avec Marx à la nationalisation de l’industrie, concluait au moins, dans la Quintessenz der socialen Frage (1880), à la nécessité de « l’organisation sociale des professions et des États », selon des formules répétées de la Quintessenz des Socialismus de Schæffle. Cette dernière thèse, diversement atténuée ou présentée, est celle qui domine aujourd’hui parmi les catholiques sociaux, dont certains ont demandé la corporation obligatoire, avec interdiction du travail pour les non-associés[2].

  1. Voyez plus haut, p. 725.
  2. Nous avons cité sur ce point là diverses autorités dans nos Éléments d’économie politique, 2e éd., p. 184. Nous y avons invoqué, avec textes à l’appui, les Questions sociales et ouvrières (1883) publiées par le conseil des études de l’œuvre des cercles catholiques ; le programme de M. l’abbé Oberdorffer, contresigné par les PP. Lehmkühl, Meyer, Weiss, Léon,. Mathias, etc. ; le congrès des catholiques à Cologne en août 1894, etc. — Léon