Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/775

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Mais la grande difficulté qui surgit ici, c’est celle de la direction à donner aux ouvriers que le régime corporatif ainsi ressuscité écarterait du travail industriel. Sans doute la difficulté n’existerait pas si l’on supposait que l’entrée dans la corporation fût un droit pour quiconque la solliciterait ; elle n’existerait pas davantage, si l’on était sûr qu’aucune cause, soit involontaire comme l’accroissement de la population, soit purement libre, comme la trop grande affluence d’apprentis et de compagnons ne pût jamais troubler l’équilibre. Mais la difficulté est au contraire insurmontable en dehors de ces deux hypothèses ; dont la première n’est pas acceptée et dont la seconde n’est pas démontrée. Or, le trouble sera d’autant plus grand dans la société moderne, que les professions ne présentent plus le caractère héréditaire qu’elles avaient au moyen âgé ; d’autant plus grand surtout que le travail manufacturier absorbe actuellement, sur l’ensemble de la population, un pourcentage, de dix à vingt fois supérieur à celui d’autrefois ; d’autant plus grand, enfin, que le progrès non encore arrêté des découvertes et de leurs applications industrielles enlève à l’industrie l’immobilité relative que celle-ci avait eue au moyen âge.

Cependant nous avouons n’avoir jamais vu ni une solution plausible, ni même une discussion de ces difficultés.

    Grégoire (Georges Goyau) disait en 1895, dans le Pape, les catholiques et la question sociale : « Pour que ces avantages (économiques) se réalisent à coup sûr, et pour que l’organisation corporative amène le prompt dénouement de la question sociale, il faut que, de gré ou de force, on fasse rentrer dans ses cadres l’industrie tout entière… Il n’y a pour la corporation qu’une alternative : être tout ou n’être rien, devenir en droit maîtresse absolue du marché ou devenir impuissante en fait… Du rétablissement de la corporation facultative, on ne peut pas même espérer une réforme : du rétablissement de la corporation obligatoire, on peut attendre une révolution » (Op. cit., 2e éd., 1895, pp. 137 et 143). — Voyez aussi les Aphorismes de politique sociale : extraits du XXe siècle. — Consulter pour certains textes M. Max Turmann (Développement du catholicisme social, Paris, 1901), quoique M. Turmann, évitant les discussions et les exposés de doctrines et faisant le silence sur les formules qui pourraient le gêner, soit loin de présenter, au point de vue des principes, le même intérêt que Goyau, beaucoup plus complet et plus énergique d’expressions.