de la théorie, nous trouvons, quant à nous, un sens tout différent au passage de l’Encyclique Rerum novarum du 15 mai 1891 par lequel Léon XIII, posant en principe que « le droit de propriété privée émane de la nature et non pas des lois humaines », déclarait à la même ligne que « tout ce que peut l’autorité publique, c’est de tempérer l’usage de cette propriété et de le concilier avec le bien commun », et que cette autorité « agit contre la justice et l’humanité quand, sous le nom d’impôts, elle grève outre mesure les biens des particuliers ». C’était pourtant à ce même moment qu’un groupe de socialistes chrétiens de France affirmait — ce qui était parfaitement faux — que si la théologie catholique regardait comme naturelle la propriété des biens mobiliers, elle n’en prenait pas moins parti, à la majorité de ses auteurs, pour la thèse de l’origine humaine et arbitraire de la propriété du sol[1].
Plus près de nous encore M. l’abbé Sertillanges, dans une série de conférences publiées en 1907 sous le titre Socialisme et Christianisme, a répété des assertions aussi hardies. Selon lui, si le socialisme renferme un anticléricalisme qui est accessoire et qu’il aurait dû répudier, il comprend surtout des formules économiques que les catholiques feraient bien de lui emprunter, au lieu de s’attarder dans l’étroitesse d’un conservatisme routinier. Entre le socialisme donc et le catholicisme, « l’entente est de droit », dit-il, et seules « ce sont les superfétations socia-
- ↑ XXe Siècle, mai 1891, pp. 234-235, reproduisant un passage de l’Économie sociale d’Ott, 1850. — Le P. Liberatore a combattu et réfuté une revue catholique irlandaise (il ne la nomme pas) qui avait soutenu en 1887, sous le titre de The theology of landnationalization : 1° que « la propriété en commun de toutes les choses matérielles peut être prescrite par l’État, si elle doit tourner au bien général » ; 2° que « la propriété de l’État sur la terre, du moment qu’elle est jugée opportune pour le bien général et qu’elle est décrétée par une autorité législative compétente, est en parfaite harmonie avec les principes traditionnels de la théologie catholique » (Principes d’économie politique, 2e partie, ch. ii, art. 1 et 2). — Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e édition, p. 44. — On voit donc combien il est téméraire et inexact d’affirmer qu’il n’y ait pas un socialisme chrétien et qu’il n’ait pas eu besoin d’être réprouvé.