Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/786

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peut l’être et qu’elle l’est en Europe ; et partout elle s’explique par le contraste des mobiles et par la divergence des vues, spiritualistes d’un côté et matérialistes de l’autre.

Au résumé, nous reconnaissons très bien, sans aucun doute, qu’un fossé profond sépare et a toujours séparé le socialisme chrétien ou démocratie chrétienne d’avec le socialisme proprement dit. Mais c’est encore beaucoup trop, croyons-nous, que dans ces attaques dirigées contre la propriété et dans l’explication des lois et des phénomènes économiques il puisse y avoir et qu’il y ait eu un accord sur des formules volontairement équivoques et scientifiquement fausses. Les uns, il est vrai — les catholiques sociaux — mettaient tout leur programme dans ces formules et auraient voulu s’arrêter après les avoir fait accepter ; les autres, au contraire, comptaient sur ces mêmes formules pour s’entendre momentanément avec des alliés de passage ; et pour commencer avec eux une démolition qu’ils se chargeront très volontiers de terminer tout seuls.

C’est beaucoup trop, par exemple, que M. Nitti puisse dire que « Meyer, Loesevitz, Decurtins, catholiques convaincus, admettent et soutiennent les théories du plus pur socialisme[1] » ; c’est beaucoup trop que M. de Laveleye, à propos des doctrines professées par les chrétiens sociaux d’Allemagne dans les Christlich-sociale Blœtter, puisse y trouver « simplement les idées de Marx et de Lassalle recouvertes d’un léger vernis catholique et rattachées, par quelque citation, aux enseignements des Pères de l’Église[2] » ; c’est beaucoup trop que, malgré les différences de fond et de principes, Nitti puisse dire et ait dit avec juste raison qu’il « importe bien plus à l’économiste et au sociologue d’étudier la tendance novatrice commune.

  1. Nitti, Socialisme catholique, tr. fr., p. 116.
  2. E. de Laveleye, le Socialisme contemporain, ch. viii, « les socialistes catholiques » (10e éd., p. 154).