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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/86

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quent, le travail industriel spécialisé avaient été la règle pratique ? Qui ne voit que toute corporation produit nécessairement pour l’échange et que la production pour l’échange, quand elle est le fait général, implique de toute nécessité une Geldwirthschaft ou économie monétaire ? Il y a donc une contradiction manifeste entre ces deux conceptions différentes que l’on nous donne du moyen âge : d’une part, un régime de travail corporatif organisé par professions, et, d’une autre, un régime où l’on produisait pour la consommation plus que pour rechange, avec un usage restreint de la monnaie et presque nul du crédit.

Ce qui est infiniment plus vrai et trop peu remarqué, c’est le degré de richesse économique auquel le moyen âge des XIIe et XIIIe siècle était parvenu. Nous en avons la preuve dans les monuments que ces temps là nous ont laissés et dont un nombre infiniment plus considérable survivraient si l’ignorance et le vandalisme ne les avaient pas détruits. Quelle que soit la foi d’un peuple, il lui est impossible de couvrir un pays de cathédrales, de châteaux forts et de monastères comme ceux dont il nous reste les exemples, sans que cette société là soit parvenue à une convenable satisfaction de ses besoins matériels. Surtout, pour juger de ces gigantesques efforts, il faut se souvenir tout ensemble de la difficulté des transports de matériaux et de la faiblesse des forces musculaires — les seules pourtant qui fussent alors utilisables : — le tout comparé avec la puissance moderne de nos forces mécaniques.

Est-il donc vrai aussi, au moins dans l’ordre économique et social, que la philosophie du moyen âge ait fait les institutions de son temps ? En d’autres termes, est-il vrai, comme il a été dit, que « l’un des traits qui se dégagent de

    l’agriculture » (Op. cit., p. 165). — M. des Cilleuls, pour l’ancien régime, calcule que « les lieux dépourvus d’associations professionnelles représentaient les 99/100mes des agglomérations urbaines ou rurales » (des Cilleuls, Histoire et régime de la grande industrie en France XVIIe et XVIIIe siècle, 1898, p. 57). Il est vrai que les corporations étaient alors bien déchues.