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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/89

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dernier point, du reste, il ne faisait que suivre Aristote, comme il suivait Justinien sur la division tripartite du droit en droit naturel (commun à tous les animaux), droit des gens et droit civil, théorie qu’il s’efforçait de mettre en harmonie avec la sienne propre[1]. Bien moins encore aurait-il eu l’idée d’une sociologie dans l’histoire ou d’une cinématique sociale — ce qui ne convenait point au genre de son génie et ce qui, d’ailleurs, était alors impossible, puisque l’histoire n’existait guère, au moins l’histoire sociale, et puisque la statistique n’avait encore jamais existé.

Au XIIIe siècle, enfin, l’économie politique elle-même n’était en germe nulle part ; ce n’est qu’au XIVe siècle qu’elle commence à apparaître et sur-un point de détail seulement, je veux dire par une théorie de la monnaie qui reconnaît ou suppose la constance de certaines lois naturelles de l’ordre économique. Auparavant il y avait bien eu des solutions de morale sur des questions de valeur et d’échange, de commerce et de contrats ; il y avait bien eu ce que plus tard on a nommé une éthique économique ; mais c’était tout, et j’ose dire que les bases mêmes de la science n’étaient pas encore posées ou du moins n’avaient pas été

  1. Summa theologica, IIe IIae, quæstio LVII, art. 2, conclusio. — Au XIIIe siècle l’opinion de saint Thomas sur l’esclavage est-elle aussi libérale que celle du pape saint Grégoire le Grand à la fin du XVIe siècle ? « Homines ab initio natura liberos protulit, avait dit saint Grégoire, et jus gentium jugo substituit servitutis » (Epistolæ, vi, 12). On se demande si ce n’était point l’opinion d’Aristote qui avait passé entre les deux pour influencer saint Thomas : seulement celui-ci jugeait in abstracto et n’avait plus sous les yeux les abus de l’esclavage, comme saint Grégoire les avait vus encore, quoique déjà considérablement atténués par les mœurs chrétiennes.