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CHAPITRE IV

LA RÉFORME

Les Réformateurs d’Allemagne apportaient-ils avec eux des doctrines économiques ou au moins des formules sociales qui puissent leur assigner un rang à part parmi les écrivains ou les orateurs de leur siècle[1] ?

Il ne semble point. Luther, Zwingle et Mélanchthon sont les défenseurs de la propriété privée contre le mouvement communiste des paysans. Luther, en particulier, hérite visiblement des doctrines plutôt sévères que la scolastique avait professées sur le juste prix des choses et sur le commerce ; il se déclare partisan des taxes contre les accapareurs et de la fixation officielle des prix ; et s’il lui arrive de viser ouvertement certains cas ou certaines formes de la spéculation, c’est pour les condamner avec l’énergie que les docteurs du moyen âge y auraient apportée s’ils les avaient connus[2].

L’étude de plus en plus répandue du droit romain avait tendu à acclimater dans la doctrine l’idée de l’indifférence morale — et par conséquent de la licéité — de l’intérêt de l’argent ; en même temps, dans la pratique, le développement du commerce, surtout en Italie et en Allemagne, puis la

  1. Consulter sur ce point de Girard, Histoire de l’économie sociale jusqu’au XVIe siècle, pp. 140 et s.
  2. « Les deux grandes branches du christianisme — a dit M. de Girard — le catholicisme et le protestantisme, ont à leur début pensé de même en matière sociale : elles ont adhéré à une seule et même morale sociale, et cela explique la facilité avec laquelle les deux courants du mouvement social chrétien, le courant catholique et le courant protestant, bien que séparés par de profondes divergences dogmatiques, peuvent s’entendre sur le terrain économique » (De Girard, op. cit., p. 253 en note).