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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/111

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Les pasteurs de Berne enfin, grâce peut-être à leur hostilité permanente contre Calvin, entrevirent un instant ce noble principe de la tolérance. Consultés sur un cas assez semblable à celui de Servet, ils avaient répondu :

Prenons garde à notre conduite, de peur qu’en revendiquant avec trop peu de modération la pureté du dogme, nous ne nous éloignions de la règle de l’esprit de Christ, c’est-à-dire que nous ne manquious à la charité par laquelle seule nous sommes ses disciples.

Mais ce ne fut là qu’un éclair passager. Ces mêmes pasteurs n’hésitèrent pas à opiner, comme nous l’avons vu, dans la triste affaire de Servet. Les martyrs du seizième siècle ne contestaient point à l’autorité le droit de venger par le glaive la religion outragée ; mais ils accusaient leurs ennemis d’en faire une fausse application, d’en user au profit de l’erreur et au préjudice de la vérité. Cette idée se retrouve dans la célèbre préface de l’Institution chrétienne. Calvin ne cherche point à démontrer à François Ier qu’il a tort de poursuivre des hommes dont le seul crime est de penser autrement que lui ; il lui démontre qu’il persécute la vérité divine, tandis que son devoir est de la soutenir par la puissance qu’il tient de Dieu.

Il est donc vrai que du temps de Calvin la tolérance était chose inconnue. Mais c’est cela même qui a donné à la persécution par lui dirigée une si