Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/125

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de Calvin. Ses adversaires l’ont accusé de ne travailler que pour lui-même, pour sa fortune ou pour sa puissance. Tantôt ils ont fait le compte des deniers qu’il reçut de la République de Genève ; tantôt ils ont cru découvrir dans toutes ses actions le mobile de l’ambition personnelle. Ils en ont fait une âme vulgaire. Je ne relève pas d’autres calomnies dont la honte ne rejaillit que sur ceux qui les ont débitées et sur ceux qui les ont accueillies : il est des hommes d’un cœur et d’un esprit si mal faits que tout ce qui est grand les offense, et qu’ils se donnent pour mission de ramener dans la boue tout ce qui les dépasse.

Il faut être prévenu pour parler d’avarice à propos d’un homme qui, pour prix de son labeur, recevait par an 500 florins genevois sans compter 12 coupes de blé et deux tonneaux de vin, gage considérable, disent les registres du conseil, accordé à Calvin parce qu’il est très savant et que les passants lui coûtent beaucoup. Après avoir régné dans Genève, après avoir été l’ami et le conseiller des plus grands seigneurs, après avoir par sa seule parole ému l’Europe entière, Calvin mourut en laissant une fortune de 225 écus. Certes, on peut bien s’écrier avec Bayle :

C’est une des plus rares victoires que la vertu et la grandeur d’âme puissent remporter sur la nature, dans ceux même qui exercent le ministère évangélique.