Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/127

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muler. Ils épient les occasions ; ils attendent et préparent par des menées secrètes les moments favorables. Mais le réformateur de Genève ne marcha qu’au grand jour. Jamais homme ne fut moins souple. Il parla en temps et hors de temps ; il ne sut ni ramper ni dissimuler ; il étonna le monde par l’inflexibilité de son caractère. Un homme si droit n’est pas un ambitieux. Lisez quelques pages de Calvin, au hasard, et jugez-en sans parti pris ; vous n’y reconnaîtrez nutte part que l’accent de la conviction et de la conscience. S’il fut un ambitieux, il dut être un hypocrite assez habile pour ne pas se démentir un seul instant. Calvin hypocrite ! Ces deux mots ne s’associeront jamais. Calvin, cet homme véritablement austère, ne connut aucun genre d’hypocrisie.

Calvin fut ambitieux, dit-on ; soit ; mais il le fut pour Dieu. Noble et sainte ambition du serviteur qui s’oublie pour son maître, et n’aspire qu’à une seule gloire, celle du dévouement. Voilà le secret de cette grande vie d’apôtre, de cette vie dépouillée de toutes les joies dont nous sommes avides, et qui ne fut qu’un long sacrifice. Repoussons les doctrines de Calvin, haïssons son intolérance, blâmons nettement ses brusques colères et la hauteur de ses dédains, disons qu’il n’eut ni l’étendue d’esprit d’un vrai philosophe, ni la charité d’un chrétien parfait ; mais reconnaissons, à sa gloire, qu’il nous offre un des plus grands exemples de la puissance du sentiment