Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/128

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moral. S’il est vrai, comme le veut un philosophe, que nous ne manquions pas à nos devoirs par faiblesse, mais par lâcheté, et que cette lâcheté soit naturelle à l’homme, Calvin a sur ce point triomphé de la nature. Il ne mourut pas pour sa foi ; il fit mieux, il vécut pour elle. Redevable à Dieu de tous ses instants, on ne le vit jamais en dérober un seul à cette sainte destination. Si dans ce siècle de travail, personne ne travailla plus que lui, c’est que personne ne sut se dévouer comme lui : sa passion, ce fut la passion du devoir.

Cependant il reste une tache au sacrifice de Calvin. Les dévouements humains, même les plus beaux, ne sont jamais parfaits, et Calvin n’était qu’un homme. Il donna plus que d’autres, peut-être ; mais, comme les autres, il retint encore quelque chose. Il renonça pour Dieu à de légitimes désirs ; il changea pour lui tous ses projets, toute sa vie ; il ne sut pas changer son caractère. Il vainquit toutes les tentations du dehors ; mais non toutes les tentations du dedans. Malgré l’influence de la’grâce divine, malgré les efforts avoués de Calvin, son caractère resta toujours ce qu’il était par nature. Même à son lit de mort, il nous donne la preuve de sa faiblesse, en même temps que la preuve de son repentir, et il ne demande pardon de ses anciens errements que pour y retomber aussitôt. C’est que le caractère est de toutes les choses humaines ce qui peut le moins se