Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/129

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changer. S’il y a quelque part une fatalité, c’est là qu’on la trouvera. La grâce, dit-on, opère parfois ce miracle ; mais cela est rare assurément, et plus facile à prouver par des paroles que par des exemples. Il arrive plutôt, comme le veut un ancien proverbe, que le naturel chassé d’une manière, revient d’une autre, en sorte que les chrétiens, même les plus sincères, ne sont pas, après leur conversion, d’autres hommes qu’avant. Ils ont, sans doute, d’autres idées ; leurs désirs n’ont plus le même objet, ni leurs actions le même but ; mais leur caractère demeure. Sur une autre route, ils gardent les mêmes allures ; ils marchent, comme auparavant, avec fougue ou avec lenteur, d’un pas brusque et violent, ou d’un pas doux et moelleux.

C’est là ce qui est arrivé à Calvin comme à d’autres ; mais, par malheur, les tendances naturelles de son caractère n’étaient pas en parfaite harmonie avec la foi qu’il embrassa. Ce désaccord que l’on voudrait en vain nier, ne s’effaça jamais, et c’est ce qui gâte la grande figure de Calvin. Il trouva pour flétrir le mal des paroles aussi sévères que celles de son divin maître ; mais il n’en eut ni la sainte compassion, ni la profonde tendresse, ni la sublime charité. Il fut chrétien et il resta dur de cœur. Ah ! qu’il est loin de cette touchante sympathie du Sauveur des hommes, pleurant sur les malheurs du genre humain ! Calvin n’eut pas de larmes, même