Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/19

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est clair qu’on n’arrive jamais à une ferme conviction sans combat : « Pour être convaincu, a dit un « homme d’un esprit excellent, M. Vinet, il faut avoir été vaincu. » Il est clair qu’on ne se décide pas à défendre au péril de ses jours une doctrine persécutée comme on se prépare à soutenir des thèses académiques. Il est clair enfin que, lorsqu’il s’agit de choses aussi graves, lorsqu’il s’agit de notre avenir sur la terre et de notre avenir dans l’éternité, l’incertitude de l’esprit entraîne le trouble du cœur. Toute grande vie d’apôtre, toute vie de dévouement a d’ailleurs son heure suprême, sa crise tragique où s’accomplit dans l’âme du martyr un premier et redoutable sacrifice. C’est saint Paul sur le chemin de Damas, c’est Luther dans sa cellule ; c’est le Christ au jardin des Oliviers. Ceux qui paraissent avoir le moins connu ces ineffables angoisses, ceux qui paraissent s’être soumis sans peine, ceux-là même ont eu aussi leur moment de révolte intérieure ; ils ont eu aussi, dans une certaine mesure, leur sacrifice à consommer. On le retrouve, ce sacrifice, même dans la vie d’un Bourdaloue, même dans celle d’un Calvin.

Voilà tout ce qu’il y a de commun entre le noviciat de Calvin et celui de Luther. Ils ont l’un et l’autre lutté avant de se soumettre : c’est le cas de tout chrétien. Mais quelle différence I Pour Luther c’est un combat qui présente un degré de violence pres-