Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que inouï. Jamais âme plus forte ne fut plus profondément bouleversée. Plus d’une fois on le trouva étendu sans mouvement sur sa couche ; sa vie même fut en danger. Qu’il y a loin de ces accès de douleur et de passion aux larmes que Calvin répand sur sa bible, selon son devoir ! Il ne lui en reste pas un de ces terribles souvenirs qui poursuivent comme poursuit un remords ; il ne les rappelle que dans de rares occasions, quand il y est forcé par les circonstances ; encore le fait-il avec calme, sans qu’on sente frémir tout son être. On nous dit qu’il était sobre et réservé de paroles, on nous dit qu’il ne parlait pas volontiers de lui-même ; mais s’il eût souffert ce que Luther souffrit, il en parlerait bien autrement. Il est des douleurs sur lesquelles il est impossible de se taire, si profonde est la trace qu’elles creusent dans l’âme. Calvin a sans peine gardé un silence presque absolu sur ses combats intérieurs ; cela seul empêche de les comparer à ceux de Luther.

Le noviciat de Calvin fut donc moins orageux ; aussi dura-t-il moins longtemps. La résistance étant moins opiniâtre, le combat fut moins vif et plus court. Luther se débattit pendant plus de deux ans sous les étreintes du doute. Calvin, au contraire, n’étudiait pas encore depuis un an les livres sacrés, et déjà tous ceux qui étaient avides de la pure doctrine venaient à lui pour s’instruire. Ainsi, à peine néophyte il est déjà docteur : « Dieu, dit-il, par