Si toute l’argumentation de Pascal reposait sur ce fameux pari, elle irait, j’en conviens, perdant chaque jour de son actualité et de sa force. Les Livres sacrés parlent du lait qui doit alimenter la foi des faibles, et de la viande qui convient à celle des forts ; ne pourrait-on pas ajouter que si, par le progrès des choses humaines, la foi réclame une nourriture plus fortifiante, elle réclame aussi des mets plus choisis, et que le temps n’est plus du pain noir dont vivait la foi de nos pères ?
Mais est-ce donc le fond de la pensée de Pascal ? J’en doute. Si, par hasard, au lieu de l’argument capital, il ne fallait voir dans cette gageure qu’un stimulant pour l’attention ; si Pascal avait voulu simplement montrer qu’en mettant toutes choses au pis, en nous supposant incapables d’obtenir par nous-mêmes la moindre lumière sur les mystères de notre destinée, il serait encore de notre intérêt d’étudier la religion, et par conséquent de prêter l’oreille à son défenseur, si, dis-je, telle était la signification de ce morceau malheureux, on pourrait regretter que Pascal ait eu recours à un pareil moyen d’éveiller l’attention ; mais il n’y aurait pas lieu toutefois à se gendarmer si fort.
Pour déterminer avec exactitude l’emploi que Pascal aurait fait d’une page si compromettante, il faudrait, je le sais, pouvoir répondre du plan définitif des Pensées. L’interprétation que je propose n’est