Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/209

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Mais l’expérience corrige chaque jour ces impressions. La réalité se montre de plus en plus riche et complexe ; les nuances paraissent, les ombres se fondent, les points de vue se multiplient. On s’aperçoit que ni le bien, ni le mal, ni le vrai, ni le faux ne sont à l’état pur ici-bas ; qu’il y a de l’erreur dans toutes nos vérités, des faiblesses dans toutes nos vertus. Bien plus, il devient manifeste que le mouvement des choses humaines résulte précisément des efforts que fait sans cesse un principe pour se dégager de son contraire. En un mot, tout était absolu, tout est devenu relatif.

Pascal, qui n’aborde guère les questions par le côté historique, n’aurait pas parlé sur ce ton du mouvement des choses humaines. Mais dans ce qu’on appelle son scepticisme, je vois distinctement le germe fécond de cette grande idée, que les opinions de l’homme n’ont rien d’absolu, et cette idée est au nombre de celles que le dix-neuvième siècle fait pénétrer de jour en jour plus profondément dans tous les esprits. Est-ce là du scepticisme ? Plusieurs le pensent. Ils se trompent, selon moi ; mais si c’est du scepticisme, notre siècle devient sceptique avec Pascal, et les Pensées n’ont pas perdu tout à-propos sur le point même où elles ont été attaquées en dernier lieu avec le plus de vivacité.

Toutefois, et qu’on veuille bien ne pas s’y méprendre, je ne vois là qu’un germe et un germe que plusieurs autres menaçaient d’étouffer. Peut-être Pascal fût-il tombé dans une inconséquence qui n’est