Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/247

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compagnie des solitaires. Il faut qu’il ait ses raisons, et je crois que si on prend la peine de les examiner, on les trouvera excellentes. Maintenant que l’ouvrage paraît avoir reçu sa forme définitive, et qu’on peut le voir à sa place dans le vaste ensemble des travaux accumulés par M. Sainte-Beuve, il n’y figure plus à titre de hors-d’œuvre, mais il en est devenu un des centres, et volontiers je dirais le centre véritable. Ses Causeries du lundi sont et resteront plus populaires ; mais en un sens il y est moins lui-même, et si jamais on voulait lui appliquer ce procédé d’intime analyse qu’il a si souvent et si habilement employé, il faudrait faire de son Port-Royal une étude approfondie. Je soupçonne en outre que de tous ses travaux il n’en est aucun qui ait plus contribué aux progrès et à la pleine maturité de son talent, à tel point que si nous n’avions pas le Sainte-Beuve du Port-Royal, peut-être n’aurions-nous pas celui des Causeries du lundi.

M. Sainte-Beuve n’est pas de ces critiques qui, voyant un homme réussir dans un genre, en tirent la conclusion probable qu’il ne réussira pas dans un autre. Il sait trop bien que les dons ne viennent pas tout seuls, et que pour en avoir un, il faut en avoir plus d’un. Il insiste sur cette idée, et quoiqu’il ne se l’applique pas à lui-même, c’est en lui-même qu’il l’a trouvée. Il y a peu de talents plus opposés que celui