Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/261

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méritoire de montrer l’esprit d’autrui, et c’est un art où M. Sainte-Beuve a tellement excellé que plusieurs des écrivains dont il a tracé le portrait ont dû éprouver quelque malaise en se sentant pénétrés à ce point. Parlant d’eux-mêmes dans l’intimité, ils n’auraient pas dit si bien, mais ils n’auraient pas dit autre chose. Le prêtre qui écoute les aveux de la pénitence ne pourrait pas nous en apprendre davantage. M. Sainte-Beuve est mieux qu’un critique, c’est un confesseur.[1]

On lui accordera en outre ce mérite, déjà plus scientifique, d’avoir, autant qu’il l’a pu, réuni des détails de nature à jeter quelque jour sur la filiation des talents. Il est attentif à placer ceux dont il parle dans leur juste milieu, à les entourer de leur famille, de leurs amis, de leur monde ; il cherche les indices précurseurs de leur talent chez le père, la mère, l’aïeul, les ancêtres, et il en montre chez les descendants les restes dégénérés ; il n’oublie pas non plus de dire comment ils ont pu être modifiés par des influences plus générales. Le caractère n’est pas pour lui quelque chose de donné et de fatal ; c’est un résultat complexe, et il travaille à en démêler les éléments, de telle sorte que si l’on refuse à M. Sainte-Beuve le titre de naturaliste, au moins faut-il recon-

  1. Je ne fais que reprendre ici et généraliser le mot de Vinet dans la lettre citée en note, page 237. « Vous seihblez, monsieur, confesser les auteurs que vous critiquez. »