Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/262

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naître que la science trouvera à glaner dans ses œuvres toute une gerbe d’utiles observations.

Mais je vais plus loin, et je n’hésite pas à reconnaître à M. Sainte-Beuve un mérite d’ordre tout à fait scientifique, et dont l’importance grandira avec le temps. L’objection que l’on fait valoir contre lui se rattache à la manière dont on conçoit le plus ordinairement la notion de l’espèce. Directement ou indirectement on y rattache l’idée de création. À une époque quelconque, un être auparavant inconnu, — plante, animal, peu importe, — est apparu sur la terre. Il a été l’objet d’un fiat particulier. La puissance qui l’a créé ne lui a pas seulement donné une certaine forme, elle l’a rendu capable de produire des êtres semblables à lui, et l’espèce est représentée d’une manière concrète et vivante par l’ensemble de sa postérité. Cette vue de l’espèce conduit à restreindre le nombre des espèces, afin, s’il est permis de parler ainsi, de ne pas abuser de la puissance créatrice. Cela peut sembler étrange, car comment abuser de l’infini ? Mais dans les choses de la science l’intervention divine est un moyen extrême. Elle marque le terme de nos recherches, et il est tout simple que nous nous efforcions de le reculer autant que possible. Aussi les naturalistes qui travaillent avec cette arrière-pensée de l’espèce créée une fois pour toutes, sont-ils enclins à envisager comme des accidents sans portée tout ce qui s’appelle variétés,