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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/290

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été complice du succès du chansonnier. Le plus grand de ses mérites était une extrême habileté à dissimuler les faiblesses de son talent et de son caractère. Sa concision n’était qu’impuissance ; il avait le souffle court, disait-on ; sa précoce vieillesse n’était qu’épuisement, sa charité hypocrisie, sa modestie calcul, son aniour de la retraite une plus fine recherche de popularité. En un mot, Béranger était un poète médiocre, qui, soutenu par les circonstances, s’était fait tout doucement une réputation de grand poëte.

Ce mouvement de réaction venait de commencer lorsque Béranger mourut. La discussion n’en continua que plus vive. M. Sainte-Beuve intervint de nouveau pour marquer le point juste et mettre en garde contre les exagérations. Mais le branle était donné. De maladroites apologies fournirent aux détracteurs plus d’un argument et d’une occasion, si bien qu’aujourd’hui, après plus de dix ans révolus, la renommée de Béranger reste suspendue dans le doute. La France ne sait que faire de son poëte national.

Au milieu de tous les articles de journaux et de revues que produisit cette réaction, celui de M. Renan se distingua par la franchise du ton. M. Renan n’avait lu que fort tard les chansons de Béranger, lorsque plusieurs déjà commençaient à perdre le sel de l’actualité ; il ne revint pas de son étonnement en voyant quel était l’homme dont on faisait le