poète français par excellence, et il voulut, quant à lui, se laver les mains du péché de la nation.
Béranger et M, Renan étaient nés pour ne pas s’entendre. Ils se heurtent en toute chose, et je ne sais si l’esprit français actuel a mieux fait connaître la diversité de ses tendances que par l’opposition de ces deux natures. À vrai dire, elles ne sont pas entièrement comparables parce qu’à la différence des caractères s’ajoute celle des temps. La maturité de Béranger date du lendemain du premier empire, celle de M. Renan des débuts du second. M. Renan a eu le bénéfice d’une expérience plus longue, rapidement mûrie par le souffle ardent des révolutions. Il a pu juger Béranger non-seulement sur ses vers, mais sur les effets de son œuvre. Il n’a eu qu’à ouvrir les yeux pour voir ce que vaut ce culte de la gloire, trop soigneusement entretenu par le poëte, ainsi que cette politique superficielle et formaliste, qui chez les uns se traduit par la résistance aveugle, et chez les autres par l’agression sans relâche, jusqu’à ce qu’un coup d’état eh finisse avec la témérité de l’attaque ou qu’une révolution emporte le pouvoir impuissant. Mais c’est à peine si M. Renan touche à la politique de Béranger. On voit bien que de ce côté aussi la divergence est profonde ; mais on voit plus clairement encore qu’elle ne fait que s’ajouter à celle des caractères et des natures.