Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/31

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voulu changer de servitude ; les autres jouir d’une entière liberté. Le caractère genevois n’était pas encore ce qu’il devint plus tard, comprimé par la main tenace de Calvin. Il était gai, mobile et passablement libertin. Il avait conservé au milieu de tant d’agitations ses allures franches et dégagées. Les mœurs étaient très corrompues, ce qui n’a rien d’étonnant dans une ville où, sur une population de 12, 000 habitants, il y avait eu près de 300 prêtres et moines.

Les jeunes gens menaient une vie dissipée, croyant, dit Bonnivard, que la liberté pour chacun fût de vivre à son appétit, sans loi, règle, ni compas. L’esprit qui avait animé cette joyeuse bande de bons vivants patriotes qu’on appelait les enfants de Genève subsistait aussi vivace que jamais. Les anciens Genevois tenaient à leurs plaisirs autant qu’à leur indépendance, et il était à craindre qu’ils ne tournassent contre des réformateurs trop sévères leur vieille devise de gais et bons compagnons : « Qui touche l’un, touche l’autre. »

Bonnivard, qui les connaissait à fond, qui avait été lui aussi un des libres enfants de Genève, mais à qui Berthelier avait fait comprendre que la vraie liberté n’est pas de faire ce que l’on veut, si l’on ne veut ce que l’on doit. Bonnivard les a peints admirablement en quelques mots. — Dans le temps où se répandaient les semences de l’hérésie, on vint le