Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consulter sur ce qu’il y avait à faire au sujet de ces doctrines nouvelles. Bonnivard répondit :

Vous voulez chasser les prêtres et tout le clergé papiste, et en leur lieu mettre des ministres de l’Evangile ; ce qui sera un très grand bien en soi-même, mais un grand mal au regard de vous, qui n’estimez autre bien, ni félicité, que de jouir de vos plaisirs désordonnés, ce que les prêtres vous permettent. Tout ce que Dieu a défendu, ils vous le permettent pour la pareille. Il vous défend de paillarder, jurer, ivrogner, jouer ; ils vous le permettent, sauf qu’ils ne veulent lâcher ce que le pape défend ; mais si vous aviez des prédicants, ils vous permettront ce que le pape défend ; mais ils ne feront pas le semblable des ordonnances de Dieu. Ils procureront une réformation, par laquelle il faudra punir les vices, ce qui vous fâchera bien.

Vous avez haï les prêtres pour être à vous trop semblables ; vous haïrez les prédicants pour être à vous trop dissemblables ; et ne les aurez gardés deux ans que ne les souhaitiez avec les prêtres, et ne les renvoyiez, sans les payer de leurs peines, qu’à bons coups de bâton.

Les événements vinrent bientôt accomplir la prédiction de Bonnivard. Genève n’était plus une ville papiste, mais la réforme des mœurs n’en était pas beaucoup plus avancée. Farel le sentit et entreprit courageusement de travailler à cette dernière révolution, la plus longue et la plus difficile de toutes. Mais les obstacles surgirent de toutes parts, et il dut apprendre qu’on ne change pas les mœurs d’un peuple comme on change une constitution.