rais que non. Se fîgure-t-on de vrais campagnards chantant la Gaudriole, le Petit homme gris, la Grand’mère, même le Grenier ? Selon M. Renan, la popularité de Béranger est une popularité bourgeoise. Ce mot qu’il emploie sans cesse n’a peut-être pas de signification précise pour quelques-uns de ses lecteurs, et j’avoue que je suis du nombre. Béranger me semble devoir être populaire sur la place publique, dans la rue, au cabaret, dans l’atelier, dans l’arrière-boutique, surtout dans l’arrière-boutique du faubourg ; mais il ne doit l’être réellement ni dans les salons ni au village. Pour les esprits fins et cultivés, il manque de délicatesse dans l’imagination ; pour l’homme des champs, il manque de naïveté. Il est peut-être moins le poëte de la nation que celui d’une classe, classe nombreuse, il est vrai, puissante, respectable, mais qui plus que toute autre subit les inconvénients d’une position où s’associe à une demi-culture, une ambition remuante et peu mesurée.
Les recueils qu’on a publiés depuis quelques années des chansons populaires de la France me confirment dans cette opinion. Ceux qui viennent de la rue, la Muse pariétaire et la Muse foraine, trahissent à chaque page l’influence de Béranger. C’est sa poésie en gros sous. Ceux qui viennent des champs sont d’un tout autre caractère. Je ne trouve