Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/323

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tort à M. Renan et sauver la France de la médiocrité religieuse où il la condamne. J’ai des doutes à ce sujet, et ces doutes (je prie M. Renan de me le pardonner) proviennent de ce que je crois voir encore trop de ressemblance entre lui et le chansonnier. Béranger tient à être du peuple ; M. Renan est pour les raffinés. Il raffine jusqu’au mot de raffinement. Il en fait un synonyme d’élévation et de délicatesse. Nul doute que dans les choses de la religion on ne puisse distinguer aussi entre délicatesse et grossièreté. La grossièreté, c’est l’égoïsme, auquel il faut échapper. Toutefois, la simple délicatesse parle moins de raffinement. Ces mots eux-mêmes, raffinement, gaucherie, nuance déliée, sont de ceux qu’ignore le sentiment religieux dans sa pureté. Les âmes tout à fait religieuses sont délicates sans le dire, sans même le savoir. Se mesurant à l’idéal de perfection qu’elles ne cessent de poursuivre, elles ont moins le sentiment de leur distinction que celui de l’alliage impur dont elles sentent toujours la souillure. Jésus, que je sache, n’a jamais fait parade de raffinement, non plus que de popularité. En outre, le sens religieux a besoin de se mêler à tout pour ne pas se corrompre. Il lui faut des applications opposées et qui se complètent dans leur diversité. On le voit se modifier selon les natures. Chez les âmes méditatives, il verse volontiers du côté de l’art : Dieu est ce qu’il y a de plus élevé, disent-elles.