Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/325

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duquel chante Béranger, applaudi par la foule des esprits positifs et dégagés, tandis que M. Renan, entouré d’idéalistes au génie raffiné, médite à l’écart sur le sens de la vie. Mais où sera la voix austère et puissante, capable de se faire entendre des uns et des autres, qui leur prêchera à tous la loi pratique de l’obéissance ? Cette voix, la France l’a connue jadis. N’était-ce pas celle des vieux Huguenots ? Mais il lui a déplu de l’entendre, et elle les a rejetés de son sein. C’est pourquoi elle flotte aujourd’hui entre Béranger et M. Renan.

Il semble difficile d’espérer une régénération religieuse de la France tant que quelque grande école n’y représentera pas efficacement la puissance morale du sentiment religieux. Mais comment une école semblable pourrait-elle s’y former, et où se recrutera-t-elle ? Les protestants disséminés sur quelques points de la France sont-ils de force à reprendre l’œuvre de leurs ancêtres et à le faire sans anachronisme, en la transformant selon l’esprit des temps actuels ? Et le fussent-ils, la France sera-t-elle plus disposée à les entendre ? À leur défaut, les catholiques libéraux accompliront-ils cette œuvre urgente ? Les questions se pressent et avec elles les doutes. L’avenir répondra. Nous n’avons pour asseoir nos prévisions que le seul passé, et quand on l’étudié, on a peine quelquefois à se défendre de l’idée que la France a été choisie pour tenter à ses