Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/339

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donc l’action comique doit être compliquée pour être comique : quoi de plus comique que l’enchevêtrement des malentendus et le labyrinthe d’un imbroglio sans issue ! Dans la tragédie le poète disparaît derrière ses personnages ; donc il lui sera permis de se montrer dans la comédie et de laisser voir le fil qui fait danser les marionnettes. Dans l’œuvre tragique se manifeste la hiérarchie des puissances humaines ; les sens y sont soumis à l’esprit et sous le nom de fatalité, de destin, de devoir, la loi divine y fait sentir partout son empire inexorable ; donc, dans l’action comique, il n’y aura ni lois, ni hiérarchie ; les sens s’y donneront carrière, comme des écoliers en vacances, et la liberté de la fantaisie y régnera comme en un jour de carnaval.

Après avoir établi la théorie, Schlegel l’applique. En trois pas, il parcourt les littératures anciennes et modernes, distribuant aux poètes peines ou récompenses, selon qu’ils ont compris ou méconnu le vrai génie de l’œuvre comique. Une médaille à Aristophane, le grand rieur, dont la verve jaillit sans cesse en inventions bouffonnes ; un pensum à Ménandre, pour s’être prosaïquement étudié à dessiner des caractères au lieu de libres et joyeuses caricatures ; une couronne à Shakespeare, le roi de la fantaisie ; la férule à Molière, ce triste plaisant qui a inventé la satire prêcheuse et la comédie hypocondre.

C’est pourtant dommage, car il avait du talent, ce