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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/385

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l’usage courant, cherchent le sens profond des mots, en remontant à leur origine, le mot de scepticisme éveille deux idées parentes, mais faciles à distinguer.

Le sceptique est celui qui regarde. D’après tous les dictionnaires, le verbe grec σκέπτομαι signifie regarder autour de soi, considérer avec attention.

L’habitude de regarder a de grandes conséquences. Plus on regarde un objet, plus on y trouve à regarder. Il en est de même des questions scientifiques, littéraires, morales ou autres. À première vue, elles paraissent simples. Etudiées longuement et de près, elles se trouvent toujours plus compliquées qu’on ne croyait. Il n’est pas un seul savant véritablement observateur, qui, après dix ou vingt ans de travaux, ne répète pour son compte ce que j’entendais dire il y a peu de jours à un physicien encore jeune, quoique sa réputation soit faite depuis longtemps : « J’ai passé l’âge où les questions sont faciles. » Celui qui regarde beaucoup ne peut que beaucoup douter. Il ne doute pas pour le plaisir de douter, il doute parce qu’il n’ose pas prononcer. Mais l’esprit s’habitue au doute, comme il s’habitue à la foi. L’expérience de l’incertitude, chaque jour répétée, peut avoir pour conséquence une sorte d’impossibilité de croire et de se décider. Poussons les choses à l’extrême, et nous aurons le sceptique idéal, celui qui finit par se faire une gloire et un