Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/39

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l’instinct de la situation. S’emparant du flot révolutionnaire lancé par Luther, il entreprit d’en régler la marche, de le contenir, de lui dire comme le Créateur au flot de l’Océan : « Tu n’iras pas plus loin. »

C’est là l’originalité de Calvin. Luther avait renversé, Calvin releva ; Luther avait soufflé sur l’Europe l’orage de la révolution, Calvin le maîtrisa ; Luther avait été le missionnaire de la Réforme, Calvin en fut le législateur.

Il ne faudrait point sans doute, sous peine de tomber dans l’absurde, pousser cette distinction à l’extrême. Nos divisions régulières, nos abstractions logiques ne concordent jamais parfaitement avec les faits de l’histoire. En voulant donner à chacun sa place, nous la faisons toujours ou trop grande ou trop petite. Il est certain, par exemple, que Luther commença l’œuvre de Calvin, ne fût-ce qu’en traduisant la Bible, et que Calvin, de son côté continua celle de Luther. Les yeux toujours tournés vers la France, il travailla sans cesse à y propager la réforme, soit par ses lettres, soit par ses conseils, soit par ses ouvrages, soit par les nombreux ministres qu’il avait formés lui-même, et qu’il y envoya prêcher l’Evangile sous sa haute direction. Mais ce n’est là cependant que la moindre partie de son œuvre, celle qui a le moins duré, puisque la France presque entière est retournée au catholicisme. Sa mission spé-