Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par d’ingénieuses théories ses recherches historiques, et de les semer de ces traits délicats, qui dénotent la finesse native du goût ; mais il n’en restera pas moins, comme ses devanciers, comme ses contemporains et comme ses successeurs, emprisonné dans l’impasse qu’il a si bien décrite, obligé de juger sans autre garantie de la justesse de ses jugements que son goût personnel. On peut affirmer, en effet, sans vouloir le moins du monde imposer orgueilleusement des bornes à la raison humaine, que la question littéraire demeurera longtemps ouverte. Si jamais elle doit être résolue, ce ne sera qu’après la plupart des autres questions, scientifiques, morales, philosophiques, religieuses, posées par le scepticisme de notre siècle. Elle les comprend toutes en soi, car le goût n’est pas un principe, mais une résultante. Il est le produit le plus complexe, l’expression la plus fine et la plus exacte de tout ce que nous sommes. Il dépend de notre tempérament, de notre caractère, de notre expérience, de notre savoir : il est l’homme tout entier. La perfection du goût suppose la perfection de l’humanité. Demander si le goût est en voie de progrès, c’est demander si l’humanité approche de sa perfection.

Il est très facile, sans doute, de noter à certaines époques de l’histoire des progrès partiels du goût. Au XVIe siècle, par exemple, la langue française fait