Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/402

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tristesse soudaine ; il est le jouet de son imagination, laquelle est le jouet d’une organisation nerveuse que tout impressionne. L’artiste est essentiellement nerveux. Le critique, au contraire, est une sorte de dégustateur phlegmatique, qui doit, sans doute, avoir le palais fin, mais qui, en jouissant d’un goût, se souvient d’un autre et les compare. La puissance de comparaison, voilà ce qui fait le critique. Or, pour comparer deux impressions, il ne faut être dominé ni par l’une ni par l’autre, il faut s’en éloigner et les juger du dehors, tandis que l’artiste est toujours tout entier dans chacune de ses impressions. »

Telle est la théorie généralement admise sur les rapports de la critique avec l’ail et la poésie.

On en tire cette conclusion pratique qu’il faut choisir entre la critique et la poésie, qu’on ne peut les cultiver l’une et l’autre qu’à la condition de ne réussir dans aucune, et que si l’on veut apprendre à juger des œuvres d’art et de poésie, il ne faut pas s’adresser aux artistes et aux poètes, mais aux critiques, incapables eux-mêmes de toute œuvre originale.

On ne saurait séparer plus exactement la théorie de la pratique, ni faire une application plus rigoureuse du principe qui veut que nul ne soit juge dans sa propre cause.

Cependant il y a eu de tout temps des voix qui ont protesté, et il n’en manque pas aujourd’hui.