Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/410

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plus rapide, plus débordante, et ne put avec plus de justesse parler d’inspiration, de soudaine inspiration. Et cependant Lamartine, lui aussi, se lisait, se relisait et se corrigeait. Il se faisait même lire et critiquer par un ami. Il attachait de l’importance, dans les premiers temps, à ce que le vulgaire appelle le style, et les variantes ne manquent pas pour ses plus belles Méditations, Ce Lac immortel n’est point sorti du cerveau du poëte comme Vénus de l’écume des mers. Nous savons aujourd’hui, par des publications récentes, que ce chef-d’œuvre a subi des remaniements, que certaines strophes sont tombées, et que la critique, la froide critique, a contribué à sa perfection. Lamartine était bien poëte, il remplissait sa fonction de lyre harmonieuse quand il disait après le chant d’Elvire :

Elle se tut : nos cœurs, nos yeax se rencontrèrent ;
Des mots entrecoupés se perdaient dans les airs ;
Et dans un long transport nos âmes s’envolèrent

Dans un autre univers.

Nous ne pûmes parler ; nos âmes affaiblies
Succombaient sous le poids de leur félicité ;
Nos cœurs battaient ensemble, et nos bouches unies

Disaient : éternité !

Mais il a été plus grand poète encore lorsque, après avoir écrit ces deux strophes, il les a retranchées, faisant en cela œuvre de critique. Ce n’est pas