Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/418

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Non-seulement il y a dans chaque poëte un critique, mais ce critique est exactement de la taille du poëte. D ne se montre pas toujours à la vérité ; mais il se trahit presque toujours. Un vers, un hémistiche, une anecdote suffisent pour en juger. On n’aurait de Musset que son hémistiche sur la tisane à la glace de Boileau Despréaux, qu’il n’en faudrait pas davantage pour voir distinctement le critique sous le poëte et le critique égal au poëte. Il n’y a qu’une imagination pétulante et pétillante, comme celle de Musset, à qui la rhétorique de Boileau ait pu donner ce frisson et cette nausée de pharmacie ; il n’y a qu’un enfant terrible, comme Musset, insouciant de son génie et de sa santé, qui ait pu méconnaître à ce point ce qu’a de salutaire et de fortifiant cette prétendue tisane, froide au déguster, chaude à l’estomac.

Racine, le poëte pointilleux, inquiet de ne pas bien dire, capable de sacrifier à une convention la franchise du style, apparaît assez clairement dans la critique qu’il faisait de l’épigramme de Boileau sur Chapelain.[1] Mais c’est en vrai poëte, en poëte

  1. Froid, sec, dur, rude auteur, digne objet de satire.
    De ne savoir pas lire oses-tu me blâmer !
    Hélas ! pour mes péchés je n’ai que trop su lire,

    Depuis que tu fais imprimer.

    « Mon père, dit Louis Racine, représenta que, le premier hémistiche du second vers rimant avec le précédent et avec l’avant-dernier vers, il valait mieux dire de mon peu de lecture.