Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/426

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prose, moi qui ai dicté ces beaux vers. Ils sont à moi. Qui donc me les a dérobés ? »

En second lieu, le critique explique.

S’il explique réellement, il fait encore œuvre de poésie. Les esprits sont ainsi faits que la communication de la pensée n’est pas toujours immédiate de l’un à l’autre. Ils n’ont pas tous la même facilité d’intuition ; il faut, pour qu’ils voient, montrer plus ou moins. Le critique montre ce que le poëte n’a pas assez montré, il ouvre ce qui n’est qu’entr’ouvert, il déploie, il expliqué ; expliquer est déployer. Une idée n’est pas complète, si elle ne se mire pas dans une image ; de même le poëte a besoin de critiques qui le multiplient et le réfléchissent. Chacun de ces critiques est un miroir vivant qui rend à sa façon la pensée du poëte ; plus cette pensée est puissante, plus elle produira de ces reflets originaux ; c’est par eux qu’elle découvre sa richesse et atteint à tout son rayonnement.

En troisième lieu, le critique choisit.

Ceci est l’œuvre poétique par excellence. Ce qu’on appelle création en poésie, est une sélection, comme disent les naturalistes modernes. Le monde où vit le poëte se condense en se réfléchissant dans sa pensée, et la physionomie en devient plus saillante. Le temps fait sur l’œuvre du poëte un travail tout semblable. Cette œuvre est le fruit d’une pensée originale qui se dégage de tout ce qui n’est pas elle et ne